Réalisateur: Jean Boyer

Interprétation: Michel Simon, Arletty, Suzanne Dantès, Dorville

Production: Pierre Geoffroy et Joe Francys pour Société Française de Production et d'Edition

REMARQUES:

-Ce célèbre film repose avant tout sur ses acteurs. Revoir les merveilleux comédiens de cette époque procure un plaisir sans mélange et toujours renouvelé. Michel Simon prouve une fois de plus qu'il est un des acteurs les plus doués que la terre ait jamais portés. Il incarne avec autant de prenante vérité le père Jules dans "L'Atalante", avec ses tatouages, ou le clochard Boudu, que ce digne magistrat à binocles. Les catins campées par Arletty joignent à une vulgarité acidulée une espèce de candeur native et une noblesse secrète. Sa "Marie qu'a d'ça" (génial surnom) peut rejoindre Mme Raymonde d' "Hôtel du Nord", la Dominique des "Visiteurs du soir" ou l'immortelle Garance des "Enfants du Paradis" au panthéon personnel de l'actrice. Mais ces magnifiques créations font aussi partie de la légende du cinéma. En bistrotier à casquette, le mégot au coin des lèvres, Dorville est également épatant.

-Le scénario, avec de brillants dialogues d'Yves Mirande, est très amusant. Un austère magistrat à la retraite, procureur inflexible et terreur des prétoires (Michel Simon), part en cure à Plombières avec sa femme (Suzanne Dantès). En panne sur la route, ils aboutissent dans un petit bistrot, fréquenté par des malfrats sans envergure. Les deux bourgeois s'enivrent, jouent aux boules et ne veulent plus partir en cure. Michel Simon se fait passer pour un caïd et feint de participer à de petits coups (il achète la moto que les truands croient voler, il les emmène chez lui pour un cambriolage etc), avec l'idée de les remettre dans le droit chemin. Ce qui arrivera à la fin du film. La morale est sauve!

-Les personnages ont des surnoms savoureux: "La Sentence" pour Michel Simon, "Môme de Dieu" pour Andrex ou "Cinq de Trique" pour Robert Ozanne.

-Heureuse époque où les diktats de la diététique et la chasse aux calories superflues ne commandaient pas le contenu des assiettes. Quand Michel Simon demande de l'eau minérale à Dorville, il lui répond qu'il ne vend pas de la "flotte". Par contre, il peut lui servir un petit beaujolais de derrière les fagots. Le beaujolais passera très bien, sans donner de brûlure, ainsi que le civet de lapin et l'omelette bien baveuse. Le matin, le magistrat réclame du thé et du citron; alors Dorville, dubitatif: "c'est des trucs de malades ça". Et, à la place, il verse un verre de blanc à Michel Simon et lui découpe une tranche de saucisson.

-Et puis il y a la fameuse chanson "Comme de bien entendu" (paroles du metteur en scène, Jean Boyer, et musique musette de Georges van Parys), reprise en choeur par tous les protagonistes.

-Quand Arletty indique son surnom à Michel Simon, celui-ci lui répond: "Vous êtes Russe?". Alors Arletty se contente de montrer son front du doigt. Michel Simon apprend aussi beaucoup d'expressions d'argot. Quand il se retouve dans la chambre avec sa femme, il lui montre les chemises de nuit apportées par Dorville: "Voilà votre liquette; je la pose sur le pucier".

-Rare évocation (à cette époque) de l'homosexualité; un des truands, qui joue de l'accordéon, "en est une", comme dit Arletty. Il est présenté comme très efféminé, on le surnomme "la poupée" et il est peu considéré par ses collègues.